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L'itinéraire proposé se situe dans les Alpes, au fond de la vallée de Méribel. Nous sommes dans la Réserve Naturelle du Plan de Tueda. Intérêt géologique : observer les roches de la zone briançonnaise, l'une des zones géologiques majeures du cœur des Alpes (voir la structure et l'histoire géologique des Alpes), avec des roches sédimentaires et des roches métamorphiques. Intérêt ornithologique : oiseaux de montagne, notamment le Lagopède (ou "perdrix des neiges") Autres intérêts : on pourra voir un torrent chargé en limon glaciaire, les pins cembro (ou arolles), une entrée de mine abandonnée. Fin septembre, début octobre, le brame des cerfs est une véritable merveille (entre 18h et 10h). Durée : environ 4 heures. Difficulté : aucune Point de départ : parking en haut du village de Méribel-Mottaret - Coordonnées GPS : 45.367 ; 6.584 Les photos de cet itinéraire ont été prises en automne, par une journée fraîche et nuageuse, alors que venait de tomber la première neige. La montagne n'en était que plus belle. Cet itinéraire présente de grandes similitudes avec celui du Mont Thabor. |
Voir aussi :
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Le parcours (pointillés rouges) |
Voir aussi :
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Avant de partir Observons les cartes avant de partir : l'itinéraire proposé est dans la haute vallée de Méribel. Cette vallée, orientée nord-sud, descend vers le Nord vers la vallée de Brides-les-Bains, Bozel et Courchevel, où coule le Doron de Bozel. Le Doron de Bozel rejoint lui-même l'Isère, plus au nord encore en Tarentaise, à Moutiers. L'itinéraire est sur le versant nord du Massif de la Vanoise dont les hauts sommets sont proches, au sud-est et à l'est. Le point culminant le plus proche est l'Aiguille du Fruit (3051 m), sous laquelle nous allons passer. |
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Le contexte géologique, à l'échelle régionale des Alpes (extrait de la carte au 1/1 000 000 de la France), montre une organisation particulièrement complexe, caractérisée par une structure globalement nord-sud, arquée, depuis le Bas Dauphiné (en jaune) et le Vercors (en vert), à l'ouest, jusqu'à la Plaine du Pô (en gris clair), à l'est, en passant par les massifs granitiques "externes" de Belledonne et du Pelvoux (en rouge vif) et les massifs granitiques "piémontais" du Grand Paradis et de Dora Maira (en rouge rosé). L'itinéraire est situé au bout de la flèche rouge, à la limite entre une zone représentée en gris et une zone représentée en violet : ces deux sous-zones appartiennent à la zone dite briançonnaise (voir structure des Alpes). Le zone grise est la zone du "houiller briançonnais" (âge permo-carbonifère, voir échelle stratigraphique), la zone en violet est la couverture secondaire et tertiaire, où domine le Trias. |
Voir aussi :
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La carte géologique plus détaillée, à l'échelle d'une cinquantaine de kilomètres (carte au 1 / 250 000 de la France), permet de retrouver cette structure nord-sud et la localisation de l'itinéraire à la jonction entre les deux sous-zones de la zone briançonnaise (attention, les couleurs représentant les couches géologiques varient d'une carte à l'autre, en fonction de l'échelle choisie ; le gris de la carte précédente est ici représenté en brun-gris, et le violet de la carte précédente est ici représenté en rouge). La flèche rouge indique à nouveau la localisation de l'itinéraire. |
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Pour suivre la géologie le long de l'itinéraire, il est recommandé de se reporter à la carte au 1 / 50 000, sur laquelle l'itinéraire a été indiqué en pointillé rouge, en haut de cette page. La carte au 1/50 000 est reproduite et élargie ci-dessous. |
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Démarrage de l'itinéraire Quitter le parking et monter sur la pente nord au-dessus du village. Quitter la route et s'engager dans un sentier montant doucement vers le fond de la vallée, sur un coteau boisé. Le chemin emprunte des pentes herbeuses et boisées avec peu d'affleurement de rocher à observer. Nous sommes sur les pentes du "briançonnais houiller", qui occupe la majeure partie de la vallée de Méribel. Dans cette partie de la vallée, ces roches ont été déposées il y a environ 300 millions d'années (Ma), vers la fin du Carbonifère (Westphalien - Stéphanien ; h4-5 sur la carte géologique au 1/50 000). Il s'agit de schistes, plutôt tendres et de ce fait ne donnant pas beaucoup d'affleurements saillants à observer. En progressant le long du chemin, on note sur le sol des blocs de nature variable, avec parfois des structures foliées pouvant aller jusqu'à des gneiss œillés. Cette structure foliée est le résultat d'une transformation de la roche, par montée de la pression et de la température, transformation que l'on nomme métamorphisme. Ceci les distingue des roches schisteuses les plus communes de la vallée, dont on sait qu'elles n'ont pas ou peu connu de métamorphisme. Ces blocs métamorphisés ne sont vraisemblablement pas en place, ils peuvent avoir été apportés par les glaciers. Nous sommes en effet dans une vallée glaciaire, façonnée par le dernier épisode glaciaire des Alpes, dit épisode du Würm (il y a 70 000 à 10 000 ans). Les glaciers ont déposé des moraines. Ces blocs peuvent également provenir d'éboulements depuis les sommets sur notre gauche. En effet, la carte géologique nous révèle que l'Arête de la Saulire, qui nous domine sur notre gauche, est constituée de roches de la série dite du Sapey (âge Permien, environ 280 Ma), connue pour ses gneiss et ses gneiss œillés. |
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Le chemin s'élève en pente relativement douce dans les pins cembro. Le pin cembro, ou arolle, a la particularité d'avoir ses aiguilles regroupées par 5. Avec ses 345 hectares d'arolles, la Réserve Nationale du Plan de Tuéda possède l'une des cembraies les plus riches de France. Les arolles attirent un oiseau de montagne que vous ne manquerez pas de voir tant il est abondant en ces lieux : le Cassenoix Moucheté (voir oiseaux des environs de Méribel). |
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Au bout d'environ trente minutes de marche, se dresse devant nous l'Aiguille du Fruit, remarquable par ses falaises abruptes et son magnifique éboulis à son pied. La roche qui la constitue est un calcaire parcouru par des lits de dolomie. Le calcaire est une roche sédimentaire constituée de carbonate de calcium. La dolomie est un mélange de carbonate de calcium et de dolomite, un carbonate de calcium et de magnésium. Le calcaire dolomitique que l'on a devant nous a été déposé au Trias Inférieur et au Trias Moyen. Il est daté de 250 à 230 Ma. Il est représenté par les indices tc1, tc2 et tc3 sur la carte géologique au 1/50 000. L'Aiguille du Fruit est un pli couché, d'axe nord-sud. La face ouest de ce synclinal, que nous voyons depuis notre point d'observation, est sa partie ancienne. Le cœur de ce pli, constitué de terrains plus récents (Jurassique et Crétacé) et plus tendres, est de l'autre côté (lacs Merlet), nous ne le verrons pas au cours de notre itinéraire. Par le Col du Fruit, au nord, passe une faille nord-sud, qui sépare le Trias (Aiguille du Fruit) des terrains houillers (Crête de la Saulire). La faille du Col du Fruit se prolonge au sud par la faille de Gébroulaz. |
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Alors que la vallée tourne vers le sud, le sentier quitte le flanc de montagne pour descendre dans le fond de vallée et rejoindre le torrent : le Doron des Allues. |
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Il est possible de se rapprocher de l'éboulis de l'Aiguille du Fruit pour voir de près le calcaire dolomitique. On pourra notamment aller voir les gros blocs assez proches du chemin. Noter sa couleur grise et son aspect assez uniforme. |
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On notera également la présence d'une source au pied de l'Aiguille du Fruit, quelques mètres au-dessus du Doron des Allues. Ceci s'explique par la géologie : le calcaire est une roche relativement perméable. Les eaux s'y infiltrent et ressortent sous forme de source lorsqu'elles rencontrent un soubassement plus imperméable. |
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Franchir le torrent sur un pont et suivre le chemin en fond de vallée, en se dirigeant vers le sud (on pourra aussi raccourcir l'itinéraire en redescendant directement au Lac de Tuéda en passant par le Chalet du Fruit). En nous retournant, admirons la régularité de l'éboulis. Sa pente est dictée par les lois de la mécanique des sols. La pente de l'éboulis correspond à l'angle dit "de frottement" du matériau granulaire que constitue l'éboulis. Cet angle, pour tous les éboulis du monde, est de l'ordre de 30 à 35°, par rapport à l'horizontale. Remarquons également le granoclassement : les gros blocs descendent plus bas que les petits. |
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Dépasser le petit groupe de chalets au lieudit "le Chalet de la Plagne", poursuivre la marche dans le fond du Vallon du Fruit encore quelques minutes (marmottes fréquentes) en direction du Refuge du Saut. Atteindre la petit Lac des Fées. Ne pas aller jusqu'au refuge, grimper à droite en direction du Col du Vallon (400 m de dénivelée). Une variante balisée consiste à monter au Col du Vallon en tournant à droite au niveau des Chalets de la Plagne. Monter dans les blocs et les myrtilles. Lors de la montée, on progresse à la limite entre des éboulis relativement indifférenciés, au sud, et l'étage géologique du Permien (noté h5-r sur la carte géologique au 1/50 000), au nord. Cet étage géologique marque la fin du Carbonifère (Stéphanien) et le début du Permien (environ 290 Ma). Les roches de cet étage renferment des conglomérats, c'est à dire des roches qui se sont formées par accumulation d'éléments grossiers issus de l'érosion active de reliefs émergés voisins. On parle de formation "détritique". On y trouve aussi des grès (érosion moins brutale ou provenant d'une terre émergée plus lointaine que celle ayant généré les conglomérats) et des schistes (érosion d'origine géographique encore plus lointaine que pour les grès). Lors de la montée, de beaux blocs de gneiss œillés sont visibles. Les "yeux" sont constitués par des cristaux de feldspaths, ou plus rarement pas des agglomérats de feldspath et de quartz. Encore une fois, ces blocs ne sont pas nécessairement en place. Ils pourraient provenir du Mont du Vallon, au-dessus de nous, vers le Sud. On retrouve en effet dans le Mont du Vallon la formation permienne du Sapey, déjà mentionnée plus haut. |
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Une fois arrivés au Col du Vallon (point haut de notre itinéraire, 2393 m), nous observons la vallée de Méribel. Au loin, les pentes douces du versant Ouest de la vallée, vers la Croix Jean-Claude, sont typiques du houiller non métamorphisé de la zone briançonnaise. Dans ces pentes buissonneuses vivent des cervidés que l'on peut écouter bramer fin septembre et début octobre. Ces pentes douces contrastent avec les falaises calcaires dolomitiques de l'Aiguille du Fruit, que nous nous apprêtons à laisser derrière nous. |
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Nous pouvons monter encore un peu pour voir un petit lac dans les éboulis, ou amorcer la descente vers Méribel-Mottaret. Des Lagopèdes des Alpes sont parfois visibles dans les pentes alentour. |
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La descente se fait en partie sur sentier, en partie en empruntant la piste de ski. Lors de la descente, il est possible de faire un crochet sur la droite, en remontant sur les ressauts rocheux, pour voir une entrée de mine de fer abandonnée. Pour des raisons de sécurité, ne pas s'aventurer dans la mine. |
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Lors de la descente, nous retrouvons les schistes du houiller (h4-5). |
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L'itinéraire est quasiment bouclé. La coupe géologique simplifiée qui suit propose une synthèse des paysages traversés. |
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Atteindre le fond de la vallée, passer le long du Lac de Tuéda et retourner au parking, point de départ et point d'arrivée. |
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Histoire géologique du site parcouru Le paysage que nous avons parcouru est le fruit de millions d'années de sédimentations, enfouissements, poussées tectoniques, érosion. Mais ce n'est qu'à l'occasion des glaciations récentes (quelques dizaines de milliers d'années) qu'il a pris son aspect actuel. Reprenons depuis le début. Pas vraiment le début, en réalité, car nous allons repartir de ce que ce paysage nous livre, c'est à dire des roches datant de 300 Ma, alors que la terre a plus de 4 milliards d'années. Il a d'abord fallu que s'accumulent, au fond d'océans aujourd'hui disparus, les sédiments qui deviendront les roches résistantes que nous observons aujourd'hui. Le substratum de ce paysage est le briançonnais houiller (voir structure des Alpes), et plus précisément ses phases ultimes (fin du Carbonifère, environ 300 Ma, h4-5 sur la carte). Les sédiments qui le forment sont à dominante argileuse. Une telle sédimentation est l'indicateur d'une mer relativement éloignée du continent qui s'érode. Le continent en question est vraisemblablement lié à l'orogénèse hercynienne, aujourd'hui en grande partie masquée par l'orogénèse alpine. Par effet d'enfouissement, ces sédiments argileux se sont durcis et devenus du schiste. Sont alors arrivés d'autres sédiments, parfois grossiers, ce qui montre une activité érosive plus intense. Sans doute la région s'est elle rapprochée de reliefs continentaux en cours d'érosion. Nous sommes alors à la fin du Carbonifère, voire au début du Permien (h5-r), donc à la fin de l'orogénèse hercynienne. Après le Permien, donc au Trias, s'est ouvert un nouveau cycle de sédimentation. D'abord sous forme de quartzites (non visibles sur l'itinéraire car absentes de la zone ou cachées sous les éboulis à la base de l'Aiguille du Fruit), cette sédimentation a évolué vers des carbonates de calcium (calcaire) et de magnésium (dolomie). Ceci est le signe d'une mer peu chargée en produits d'érosion. Ces roches, qui appartiennent au briançonnais mésozoïque, se sont formées sans doute un peu plus à l'est et ont ensuite été poussées vers le briançonnais houiller, sous forme d'écailles ou nappes de charriage. Mais ce déplacement en nappes de charriage ne s'est produit que bien plus tard, comme nous allons le voir ci-après. |
Voir aussi :
Pour un itinéraire assez similaire, voir aussi :
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Les formations géologiques sont ensuite restées émergées quelques millions d'années. La mer n'est revenue dans la région qu'au Dogger (synonyme de Jurassique moyen, environ 170 Ma). La sédimentation correspondante n'est pas visible sur l'itinéraire (il faut, pour voir les terrains correspondants, passer de l'autre côté de l'Aiguille du Fruit, vers les lacs de Merlet). La zone briançonnaise a été à nouveau émergée à la fin de l'Eocène (environ 40 Ma). Ce n'est qu'à partir de ce moment que se manifeste l'orogénèse alpine dans toute sa puissance. Il se produit alors le métamorphisme évoqué plus haut, métamorphisme qui, le long de notre itinéraire, n'a affecté que les terrains du Permien. L'élévation de la température et de la pression a transformé les roches pré-existantes en gneiss, parfois œillés, et en d'autres roches métamorphiques. Ne confondons pas le dépôt de ces roches, au Permien (environ 250 Ma), et leur transformation ultérieure par métamorphisme (environ 40 Ma). Nous avons retrouvé quelques blocs de ces gneiss sur l'itinéraire. C'est également vers cette époque que se sont produits les charriages ayant déplacé la couverture triasique par-dessus le houiller. Une roche particulière à favorisé le glissement de ces petites nappes de charriage : le gypse, que l'on trouve intercalé entre les quartzites et les calcaires (non visible sur notre itinéraire, mais présent plus à l'Est). Le marqueur le plus visible de ces formations charriées, sur l'itinéraire, est l'Aiguille du Fruit (et ses couches géologiques triasique tc1, tc2, tc3). La structure de l'Aiguille du Fruit, en plis couché venant chevaucher les terrains du houiller, témoigne de ces grands déplacements. Les roches de cet itinéraire, bousculées, charriées, plissées, ce sont aussi cassées par endroit. Des failles sont apparues (Col du Fruit). L'érosion s'est attaquée préférentiellement à ces zones de faiblesse, façonnant les cols et les vallées. Les glaciers ont accentué l'érosion, mais ont aussi déposé leur moraine sur le flanc et le fond des vallées. Et c'est ainsi que se sont construites les parois raides (roches dures), les vallées (roches plus tendres ou fragilisées par des failles), les pentes douces (roches tendres), que nous observons aujourd'hui. Mais sachons distinguer ce qui relève de l'assemblage de roches de résistances différentes (processus de plusieurs centaines de millions d'années) de l'action érosive et accumulatrice des glaciers (processus de quelques dizaines de milliers d'années). Enfin, gardons en tête que les paysages que nous voyons aujourd'hui seront remodelés par d'autres orogénèses, d'autres immersions et d'autres glaciations. Et puis, oublions tout et contemplons. |
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Pour aller plus loin
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